Les ressources forestières : une source potentielle de stabilisation de la RDC

Par Bernardin SEBAHIRE

Chercheur

ISDR/ Bukavu

Les qualificatifs ne manquent pas pour désigner la République Démocratique du Congo (RDC). Tantôt scandale géologique, tantôt pays continent, tantôt pays solution quand il s’agit des questions liées aux ressources forestières. Malgré tous ces atouts, les communautés locales riveraines de ce paradis terrestre, vivent dans une pauvreté sans nom : routes inaccessibles, hôpitaux en état de délabrement avancé, écoles en ruines,…

Actuellement, plus de 1 ,5 milliards de personnes qui vivent dans une extrême pauvreté tirent directement leurs moyens de subsistance des ressources forestières surtout de l’exploitation des produits forestiers non ligneux. Pour les populations locales, la forêt est un abri et une source de combustible et d’énergie, de nourriture et de remèdes. La destruction de la forêt ne peut donc qu’aggraver leur pauvreté.

Pour l’UE, “la RDC est un joyau avec sa ressource forestière immense”

“La RDC est notre plus grosse enveloppe en faveur de la préservation de la biodiversité en Afrique,” précise Jean-Marc Châtaigner, ambassadeur de l’Union européenne à Kinshasa. “La RDC est un pays solution : c’est un pays immense qui a une ressource forestière immense : c’est un joyau qui est un facteur de développement pour les populations et pour la préservation de la planète,” affirme-t-il.

Le bassin du Congo abrite la deuxième forêt tropicale du monde après l’Amazonie : elle s’étend sur une superficie de 165 millions d’hectares dont les deux tiers se trouvent en RDC. Ses milliards d’arbres, essentiels pour la survie de l’homme, font l’objet de recherches scientifiques poussées.

À Yangambi, à 25m au-dessus de la canopée, se dresse la tour à flux, une structure unique dans le bassin du Congo. Ce site est redevenu un lieu d’expérimentation où l’on cherche aujourd’hui à lutter contre le réchauffement climatique et à restaurer la biodiversité.

Haute de 55m, cette tour à flux est venue rejoindre il y a un an les quelque 1400 tours à flux dans le monde. Il en existe 12 en Afrique. Le projet CongoFlux a été conçu par l’Université de Gand en Belgique et construite à Yangambi, en pleine forêt. Un appareil mesure la direction et la vitesse du vent, un autre, les concentrations de gaz. En combinant ces données, les scientifiques quantifient les flux. La tour est opérationnelle depuis octobre 2020.

“Cette structure nous permet de quantifier les échanges de gaz à effet de serre entre l’atmosphère et la forêt,” explique Thomas Sibret, responsable projet de CongoFlux. “Nous pouvons ainsi calculer en continu la quantité de carbone émise et séquestrée par la forêt du bassin du Congo,” ajoute-t-il.

Premier poumon de la planète

Les forêts du bassin du Congo stockent par hectare et par an, plus de CO2 que l’Amazonie, comme le rappelle Michel Baudouin, directeur de l’ERAIFT (École Régionale d’Aménagement et de Gestion intégrés des Forêts et Territoires Tropicaux/UNESCO) et recteur de l’Institut facultaire des Sciences agronomiques de Yangambi.

“Cette forêt, contrairement à ce qui se dit beaucoup, n’est pas le deuxième poumon de la planète, mais le premier poumon de la planète : c’est la deuxième superficie, mais c’est la première capacité de fixation de carbone,” indique Michel Baudouin. “Pour beaucoup de raisons biologiques, historiques, on fixe plus de carbone aujourd’hui dans le bassin du Congo que dans le bassin d’Amazonie ou d’Indonésie,” dit-il.

“En sachant ce que notre forêt est en train d’absorber, on se dit pourquoi ne pas protéger cette forêt qui est en train de nous aider à éviter le grave fléau du changement climatique,” ajoute Fabrice Kimbesa, technicien de CongoFlux.

Gouvernance forestière

Le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde s’est engagé, lundi 5 septembre à Yangambi, en territoire d’Isangi (Tshopo), à promouvoir une économie verte et résiliente à faible émission de carbone. Il a pris cet engagement à l’ouverture des travaux organisés en prélude de la 27è Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Cop 27). 

Le chef du gouvernement a lancé, par la même occasion, le Forum international et scientifique sur les forêts du Bassin du Congo et d’autres bassins tropicaux.  

« Le changement climatique est aujourd’hui le phénomène au centre des enjeux économiques, politiques et environnementaux à cause duquel les États sont appelés à poser des actions concrètes en vue d’éviter le cataclysme climatique planétaire. Face à la triple crise planétaire, changement climatique, pertes de la biodiversité et pollution, la RDC se présente désormais comme Pays solution », a expliqué Jean-Michel Sama Lukonde.  

A l’occasion, il a dévoilé la vision de la RDC qui se résume dans la promotion de l’économie verte, résiliente à faible émission de carbone. Pour le Premier ministre, le gouvernement se propose également de gérer rationnellement et durablement ses importantes ressources naturelles, afin de garantir l’équilibre écologique et le bien-être social, économique, culturel et environnemental de sa population.

Gérer rationnellement les ressources naturelles

Le Forum international et scientifique sur les forêts du Bassin du Congo et d’autres bassins tropicaux, organisé par la RDC à travers la vice-primature de l’Environnement et Développement durable, réunit du 5 au 7 septembre à Yangambi, de nombreux scientifiques internationaux et nationaux.  

Ces derniers devront réfléchir sur la manière de gérer rationnellement et durablement les importantes ressources naturelles dont regorge la République démocratique du Congo en tant que « Pays solution » dans la lutte contre le changement climatique, et de promouvoir une économie verte, résiliente et à faible émission de carbone, rappelle La Primature.  

Pour le Chef du gouvernement, il est crucial de rassembler les scientifiques spécialisés dans les questions des forêts, ressources en eau, changements climatiques, finances climatiques et des disciplines connexes. 

Selon lui, les réflexions des scientifiques ne se limiteront pas qu’au Bassin du Congo, mais s’étendront également aux autres bassins tropicaux de la planète notamment les bassins de l’Amazonie et de l’Indonésie, lesquels rendent les mêmes services écosystémiques à l’humanité, étant souvent confrontés à des problèmes similaires de protection et de préservation. 

Le choix de Yangambi, pour abriter ces travaux, se justifie notamment par la présence, dans cette localité du territoire d’Isangi, d’un important Institut national pour la recherche agronomique (INERA), réservoir d’une importante biodiversité mondialement reconnue, rappelle La Primature. La localité de Yangambi est située sur la rive droite du fleuve Congo, à 100 kilomètres à l’ouest de la ville de Kisangani. 

 Les 235 000 hectares de forêt autour de Yangambi ont été déclarés Réserve de biosphère en 1976, dans le cadre du Programme sur l’homme et la biosphère (MAB) de l’UNESCO. La Réserve de biosphère de Yangambi est l’une des principales aires protégées menacées par l’anthropisation dans la région. 

La Cop 27 réunira, du 7 au 18 novembre prochain à Charm el-Cheikh (Égypte), les pays signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.