Le domaine de l’alimentation est un trou noir pour les experts en agriculture au Burundi. Le pays est petit, une superficie très réduite dont la gestion rend encore plus compliquée la disponibilité des terres à cultiver. Déjà le partage, la distribution de la terre du père en fils réduit petit à petit encore, une terre de plus en plus petite. La population ne cesse d’augmenter. La population au Burundi est en accroissement vertigineux. Elle augmente à un rythme assez élevé et inquiétant, elle passe de plus de 8 millions en 2008 à plus de 13 millions en 2030. Cette augmentation est estimée à 66,08%. En fait la population va compter le double en en 2050. Elle va atteindre 26,2 millions d’habitants. Et elle va exploser à la fin du siècle. Elle pourra atteindre plus de 62 millions pour un petit pays de moins de 30,000km2.
Ces statistiques de l’ISTEEBU n’augure rien de bon et interpelle l’autorité à agir, à considérer l’accroissement rapide de la population comme une des menaces de la survie du Burundi dans le futur. Il est urgent de penser aux plans de limitation de naissance par exemple. Mais également la problématique qui reste toute entière est celle de nourrir cette population en accroissement sans frein. Pour y arriver il faut une bonne politique agricole qui calcule sans erreurs la quantité de nourriture qu’il faut pour l’alimentation de toute la population du pays. Et donc il faut avoir les moyens financiers cette politique. L’une des difficultés de l’agriculture au Burundi, elles sont très nombreuses, c’est la question du financement.
Comment trouver des capitaux pour financer l’agriculteur dans son travail? L’état burundais a toujours écarté cette question du débat budgétaire, laissant ainsi le secteur agricole aux rapaces du crédit à des taux d’usure. Faut-il imaginer que le numérique peut être d’un quelconque secours pour trouver des opportunités pour l’accumulation du capitale ? Et le rôle de l’état est-il nécessaire ? Nous allons nous pencher sur toutes ces questions pour essayer d’en fournir des réponses.
L’immense défi auquel le Burundi va faire face pour nourrir son peuple est celui du financement de l’agriculture pour assurer une forte production, traitement de la production et sa transformation. La question du financement du secteur agricole reste encore problématique parce que justement beaucoup d’institutions financières, sinon toutes, ignorent ce monde d’agriculteurs. Si les cultures dites d’exportation notamment le café, le thé ou le coton, trouvent un début d’écoute et grâce à la gestion par le digital de leur patrimoine auprès de certaines banques, les produits vivriers sont encore très loin de retenir l’attention des banquiers.
A titre d’exemple, l’Igara Growers Tea Factory, dans le sud-ouest de l’Ouganda, a permis d’augmenter des rentabilités et des taux de remboursements des crédits pour des intrants accordés aux producteurs et réduire par le même coup des ventes parallèles. Ceci a été rendu possible par l’utilisation des profils numériques d’agriculteurs dans la planification et la gestion de la production de thé. Aussi en permettant à la société d’informatiser les paiements et de faciliter d’autres services financiers notamment en matière d’emprunts et d’épargne, la culture du thé devenait une denrée crédible auprès des institution financières en Ouganda. L’autre exemple nous vient du café bien entendu et toujours en Ouganda. La National Union of Coffee et Farm Entreprises, une fédération ougandaise de producteurs de café qui compte plus de 200000 ménages comme membres, a utilisé le profil numérique des producteurs pour vendre leur produit à un meilleur prix. En même temps cette fédération a pu obtenir leur label de commerce équitable en raison justement d’une prime de traçabilité versée par les acheteurs aux producteurs.
Un autre exemple parfait nous vient du Kenya. Il concerne le marché du bétail en milieu rural. Par manque d’accès aux services financiers, des achats sont réglés en liquide sur ces marchés. Et cela expose les négociants et les vendeurs à des risques personnels, et limite leurs capacités d’accéder à d’autres services financiers parce qu’ils n’ont pas d’histoire en matière de transactions. Les services financiers donc, relatifs à l’épargne, au crédit et aux transferts, pour négociants et éleveurs sont à mettre en place pour faciliter les échanges sur ces marchés de bétail au Kenya. Des possibilités de développer le portefuille électronique en lien avec des prestataires formels de services financiers existent. Ces outils sont donc à mettre en place. Il serait en premier pas vers l’amélioration de la culture et de l’inclusion financière, qui pourrait permettre d’introduire d’autres services bancaires et financiers directs. Ces exemples confirment que l’outil informatique si on y fait recours, peut donner accès à la constitution du capital pour financer l’agriculture et l’élevage.
Pour le cas du Burundi, la mobilisation des capitaux pour financer l’agriculture peut recourir à la digitalisation pour sa meilleure gestion et permettre aux agriculteurs d’y avoir accès. Les institutions financières comme des banques opérant au Burundi peuvent céder chacune 10% de ses bénéfices réalisés chaque année pour le financement de l’agriculture. Ce fonds pourrait être confié à une plateforme numérique sous la direction d’une organisation spécialisée pour permettre le crédit aux agriculteurs et amasser l’épargne en provenance aussi de ceux-ci. Les banques gagneront sur deux tableaux. De nouveaux clients et la domiciliation de l’épargne des agriculteurs.
La main de l’Etat est non seulement nécessaire mais également indispensable pour doper l’efficacité de cette organisation. L’Etat peux doter de ce fonds d’au moins 5% de son budget pour le financement direct des agriculteurs. Cette participation de l’Etat le place en position de partenaire central de cette organisation dont est confiée la gestion digitale de ce financement. Il est vrai que les difficultés dans le secteur agricole expliquent les hésitations des institutions financières à investir dans la diffusion d’innovation informatiques au service des agriculteurs. Tout cela explique les limites des produits financiers proposés aux acteurs de la chaîne de valeur agricole. En revanche certains acteurs du secteur agricole paient des services ou leurs achats aux agriculteurs par l’intermédiaire d’institutions financières-banques et coopératives. Des paiements par le numérique ouvrent le livre de l’historique de transaction des agriculteurs, ce qui les crédibilise auprès des institutions financières, permet aux banques à mieux comprendre leur activité et à concevoir des services financiers bien adaptés.
La clé du rendement des investissements se trouve dans la segmentation du marché et la coordination de la chaine des valeurs parce que les agriculteurs, les vendeurs d’intrants, les négociants, les transformateurs, les transporteurs, et les autres acteurs de la chaîne de valeur agricole ont tous des besoins financiers uniques.
C’est pourquoi l’implication de l’Etat est exigée pour garantir le fonctionnement de toute la chaine de valeur et crédibiliser cette même chaine auprès des institutions financières. Pour le cas du Burundi, l’Etat doit jouer un rôle moteur en amont comme en aval, à la fois dans la mobilisation des fonds, la mises en place de l’infrastructure de gestion du fond par le numérique et assurer par des règles que tous les agriculteurs y ont accès sans exclusion aucune. C’est par cette voie que l’Etat burundais commencera de gagner le pari de son alimentation. Dans nos éditions suivantes nous parlerons de l’organisation de la production par le numérique.
A.S